De très beaux films nous accompagneront tout au long du mois de mai. Ils nous feront voyager en France, au Japon, en Italie et en Iran où nous avons à cœur de souligner le courage et la débrouille des cinéastes iraniens qui tous redoublent d’inventivité et d’efforts pour faire passer en sous-marin de très beaux films, œuvres pirates, contestataires, et surtout contraire à la sacro-sainte loi Iranienne.
Filmer la guerre sans la montrer. C’est le pari que réussit Maura Delpero avec Vermiglio ou la Mariée des montagnes, Grand Prix du jury à la Mostra de Venise en 2024. Pour son deuxième long-métrage de fiction, la réalisatrice de Maternal (2019) est retournée dans le village du nord-est de l’Italie où a grandi son père, récemment décédé. C’est là, sur quatre saisons, qu’elle redonne vie au quotidien de cette communauté d’âmes fidèle à ses traditions rurales et chrétiennes. Son film est d’une immense douceur et d’une beauté de tous les plans, imaginés comme des tableaux. La lumière naturelle et les éclairages à la bougie cisèlent les intérieurs d’un clair-obscur qui oscille entre un jaune chaleureux et la froideur de teintes bleues.
Avec Le Joueur de GO, Kazuya Shiraishi nous plonge de façon magistrale dans l’époque d’Edo par le biais d’une structure narrative magistrale redoutablement efficace. Ce qui rend ce film historique si moderne, c’est le changement d’état d’esprit du héros qui entre finalement en dissidence, s’écarte peu à peu du chemin imposé à l’élite guerrière japonaise pour avancer au gré de son destin, des paysages, de l’amour, du deuil.
Le premier long-métrage d’Hélène Merlin, Cassandre, trouve des formes pour donner à voir la circulation de la violence aussi bien dans les mots, les gestes que dans les regards.
Les différentes stratégies pour empêcher la parole, pour minimiser tout ce qui se passe sous ce toit. Au-delà de l’agression, la violence s’exprime partout, anodine, faite de petites humiliations quotidiennes et de provocations. Hélène Merlin tente de rendre compte de l’expérience de l’inceste qu’elle a subi et surtout d’en saisir toute la mécanique et la complexité.
Au Pays de nos frères, œuvre délicate en forme de nouvelles – trois chapitres sur trois décennies, 2001, 2011, 2021, le film des Iraniens Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi dévoile une réalité rarement mise en scène au cinéma, la situation des réfugiés afghans en Iran. Il y aurait actuellement autour de 5 millions de réfugiés afghans en Iran. Même s’ils parlent la même langue que les habitants de leur pays d’adoption, ils n’en sont pas moins, la plupart du temps, que des citoyens de seconde zone, susceptibles d’être expulsés, pour des raisons plus ou moins sérieuses.
Pour mettre en scène ces histoires très dures, les auteurs de ce premier long-métrage travaillent l’épure, la suggestion, faisant appel à des comédiens non professionnels.
Cinq films sont au programme du prochain mois et parmi ces 5 films, un ne passera qu’une seule fois. En effet, nous avons choisi de programmer The Brutalist de Brady Corbet. Ce film a une durée de 3h30 avec 15’d’entracte. Nous avons donc décidé de le diffuser un dimanche après-midi afin que nous puissions l’apprécier dans les meilleures conditions possibles.
Film-fleuve d’une fluidité déconcertante et d’une incroyable densité, The Brutalist impose Brady Corbet en cinéaste passionnant, et sa fresque en grand film sur l’Amérique, son mensonge et sa désillusion.
La programmation se poursuivra avec de très beaux films dans lesquels les personnages doivent se battre contre des forces obscurantistes ou bien contre le pouvoir de l’argent.
Quelque part entre Le Royaume et À son image, Le Mohican de Frédéric Farrucci trouve sa place dans le florilège récent de longs métrages issus de l’île de beauté, avec cette fois des chèvres qui sont amenées à disparaître du paysage pour cause de bétonisation continuelle et de concession à la manne touristique, qu’une certaine mafia supervise, sans échappatoire possible pour les bergers et autres détenteurs de terres idéalement situées. La mise en scène de Farrucci joue habilement avec les codes du western et du polar.
Inspiré de la vie de Joseph Terrazzoni, berger corse de Manza qui s’est battu contre la spéculation foncière pour garder sa bergerie, Le Mohican est un film fort et puissant qui nous prend aux tripes.
Avec Bird, pour la première fois, Andréa Arnold teinte de fantastique son cinéma social. Grâce à cela, elle réussit le portrait vibrant d’une gamine de 12 ans en quête d’un avenir meilleur. Bird s’inscrit d’emblée sur le terrain de jeu de la cinéaste : la chronique sociale, l’enfance, le récit initiatique et la construction d’une gamine face à des parents absents ou défaillants. Le tout au son d’une BO brit-rock impeccable accompagnant à merveille chaque mouvement de ce récit.
Andrea Arnold signe une surprenante fable sur le passage à l’âge adulte, esquissée avec sensibilité et conservant quelques mystères, qui assume sa singularité et ses effets spéciaux.
Sylvain Desclous, réalisateur du film Le système Victoria, adaptation du roman éponyme d’Éric Reinhardt, s’éloigne de la politique politicienne de son précédent film, le très réussi De grandes espérances, pour approcher un monde néanmoins régi par une logique politique, celle du capitalisme.
Le système Victoria de Sylvain Desclous ne se départit pas de cette idée de choc, notamment celui issu de la rencontre entre David et Victoria, et du fracas qui en découle. En faisant se rencontrer deux personnes issues de mondes opposés, c’est une étude de classes qui prend alors forme, la transformation d’un matériau brut en un édifice sophistiqué.
Sylvain Desclous, fin observateur de la société française et d’une certaine lutte des classes qui ne s’est jamais totalement éteinte (de Vendeur à De grandes espérances), signe une parfaite parabole du capitalisme et du libéralisme qui, poussées à leur extrême, balaient tout sur leur passage, y compris les esprits les plus purs et en apparence incorruptibles. Un film en totale prise sur notre époque et par là même glaçant et oppressant.
Lire Lolita à Téhéran d’Eran Riklis inspiré du livre écrit par l’écrivaine iranienne Azar Nafisi, récit autobiographique directement inspiré de sa vie à une période bien précise : le pivot de la révolution de 1979 en Iran, date de l’arrivée au pouvoir des religieux et du basculement du pays dans la dictature. Azar Nafisi enseignait alors la littérature occidentale à ses étudiants de l’université Allameh Tabataba’i de Téhéran. Dans le cadre de sa résistance au nouveau régime, elle a formé un club de lecture secret avec sept de ses étudiantes de l’Université de Téhéran, qui se réunissaient chez elle pour discuter d’œuvres de littérature occidentale.
Le film est tristement actuel et s’inscrit dans la lignée du combat des jeunes Iraniennes contre la répression dans leur pays. Pour elles, lire Lolita à Téhéran, c’est célébrer le pouvoir libérateur de la littérature.
La troupe de Lire Lolita se compose d’un groupe extraordinaire de comédiennes, toutes exilées et personae non gratae en Iran, à commencer par l’actrice principale, Golshifteh Farahani, et sa collègue Zar Amir Ebrahimi, qui soutiennent activement le mouvement de protestation des femmes iraniennes.
Ce mois de mars s’annonce chargé en émotions cinématographiques et riche en découvertes avec plusieurs soirées spéciales notamment une soirée pour célébrer la Fête du court métrage « Fais-moi rire » en partenariat avec la COR et la médiathèque et la diffusions de quelques courts-métrages savoureux avant les films du CLAP durant cette semaine .
Pour les Tarariens qui ont un souvenir nostalgique de leurs premières émotions devant le grand écran, une exposition dans le Hall du cinéma en souvenir du cinéma « Le Savoy ».
Et durant ce mois, nous pourrons découvrir quatre très beaux films toujours plein d’humanité.
Avec Sing Sing, Greg Kwedar, en étroite collaboration avec son acolyte Clint Bentley pour l’écriture, signe un film fort, émouvant et riche en relations humaines, se déroulant dans l’univers carcéral de Sing Sing, situé au nord de New York sur les bords de l’Hudson River, et dont seul le nom inspire à la légèreté ! En effet cette prison de très haute sécurité abrite de dangereux criminels condamnés à 25 ans de prison minimum, à majorité de couleur noire.
La réinsertion par l’art est-elle possible ? Les prisonniers sont gangsters, meurtriers, dealers, des durs. Pourtant grâce au programme Rehabilitation Through theArts, l’espoir est permis. Le film n’est jamais brutal ou attendu. Aucun cliché carcéral ou viril. Ni jugement. Rien de sauvage. Rien à charge ou à décharge.
Le premier long d’Antoine Chevrollier la Pampa tourné dans son village natal, est avant tout une histoire d’amitié inébranlable, même lorsqu’un secret est découvert et fera tout basculer. Le titre de l’œuvre vient du nom du véritable terrain de motocross qu’observait le jeune Antoine Chevrollier.
Révélé à la Semaine de la Critique à Cannes, et triplement primé au festival Premiers Plans d’Angers, La Pampa envahit l’écran par son humanité, à hauteur d’adolescence, par sa puissance émotionnelle, et par sa capacité à embrasser la vigueur malgré la douleur.
Interdit de sortir de leur pays, le couple de cinéastes Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha,avec le film Mon Gâteau Préféré dépeint avec finesse l’isolement des personnes âgées.
Tourné en secret en 2022 dans un climat de tension sociale, au moment où allait éclater le mouvement Femme, vie, liberté, le film enfreint délibérément les restrictions qui entourent la représentation des femmes à l’écran, concernant, notamment, le port du hidjab jusque dans l’espace domestique, en dépit de toute considération réaliste. Dans Mon Gâteau Préféré,l’intime et le politique se rejoignent aussi sûrement que la comédie et le tragique se sont donné rendez-vous.
À Bicyclette de Mathias Mlekuz a été présenté en avant-première mondiale au Festival du film francophone d’Angoulême, où il a notamment été récompensé du Prix du Public. Il a reçu le même prix lors du Festival 2 Cinéma 2 Valenciennes et lors des Rencontres à Cannes.
Après son premier film Mine de rien, Mathias Llekuz réitère sa collaboration avec Philippe Rebbot.
En plus d’être son acolyte dans le film, l’acteur, scénariste et réalisateur a aussi participé à l’écriture.
C’est un film personnel qui touche à l’universel, puisqu’il y ait question de deuil, d’amitié et de renaissance, entre autres. Les larmes coulent, de part et d’autre de l’écran, mais les rires fusent, également, et quel baume plus réconfortant existe-t-il, dès lors que s’exprime le sentiment que l’existence humaine est une chose tellement absurde et poignante?
Avec cette programmation, c’est un voyage qui vous est proposé à travers des films venus de différents continents, la Chine, le Liban, le Brésil et les États-Unis.
Avec Les feux sauvages, Jia Zhangke se replonge au cœur des grandes heures de sa filmographie. Comme toujours chez le cinéaste du Shanxi, le territoire a une importance fondamentale dans son film, réinvestissant le fameux barrage des Trois gorges, théâtre d’un des films qui l’a définitivement installé comme un des plus grands auteurs de sa génération, Still life, Lion d’or à Venise en 2006.
Zhao Tao est encore une fois le personnage principal de cette histoire. Le génie de Jia Zhangke est d’être à la fois dans la rétrospective personnelle, 25 ans de cinéma et autant de films fondamentaux et inspirants, mais aussi de radiographier avec toujours autant d’acuité la Chine contemporaine.
Jia Zhangke réussit cet exploit de renouveler une fois de plus notre regard sur cet immense pays, cela par le biais d’une histoire d’amour contrariée, et la prestance incomparable de cette grande actrice qu’est Zhao Tao.
Après Profession du père adapté par Jean-Pierre Améris en 2020, Le Quatrième mur est le deuxième roman de Sorj Chalandon, reporter de guerre et romancier multi-primé, à être porté à l’écran.
Le réalisateur David Oelhoffen s’empare cette fois du roman de Sorj Chalandon, publié en 2013 et lauréat du prix Goncourt des lycéens qui nous plonge au cœur de la guerre au Liban au début des années 1980.
La force de l’art, du théâtre, de la fiction, est au cœur de cette aventure, de ce rêve un peu fou de vouloir réconcilier l’irréconciliable à travers un projet artistique, ici le théâtre. Le film pose l’éternelle question de la nécessité de l’art dans la vie des gens, même en plein chaos.
Phénomène du box-office dans son pays, succès international récompensé à la Mostra de Venise et aux récents Golden Globes, Je suis toujours là de Walter Salles, une œuvre déchirante sur l’une des pages les plus sombres de l’histoire brésilienne racontant le destin authentique d’une famille pendant la dictature militaire. Le film relate des faits historiques traumatiques pour les Brésiliens, mais jusqu’ici peu racontés au cinéma : les disparitions de militants et intellectuels locaux durant la dictature militaire entre 1964 et 1985.
Le film « incarne » ces disparitions à travers une histoire vraie, celle de Rubens Paiva, grand architecte et militant anti-junte, enlevé chez lui en 1971 et dont le corps n’a jamais été retrouvé.
Bernie, de Richard Linklater, arrive dans les salles françaises quatorze ans après sa sortie US. Mi- comédie noire, mi « true crime ». Linklater raconte ici l’histoire vraie de Bernie Tiede (Jack Black), un thanatopracteur adoré de sa communauté, qui se retrouva au centre d’une affaire criminelle impliquant une veuve acariâtre (Shirley MacLaine) et un procureur à Stetson (Matthew McConaughey). Une comédie noire à l’empathie sans égale.
Toute l’équipe du CLAP vous souhaite une bonne année 2025 en espérant vous retrouver nombreux et nombreuses dans les salles du cinéma Jacques Perrin !
En ce début d’année, nous pourrons aller à la rencontre de Sarah Bernhardt, la Divine, film de Guillaume Nicloux. Aussi surprenant que cela puisse paraître, aucun film n’avait été consacré jusqu’alors à la grande Sarah Bernhardt, par le cinéma français.
Sarah Bernhardt était bien plus qu’une actrice, une femme libre, engagée, avant-gardiste et passionnée. Ce film, porté par une Sandrine Kiberlain exceptionnelle, explore les multiples facettes de cette icône.
Plutôt qu’un récit linéaire, Guillaume Nicloux a choisi de se concentrer sur deux moments-clés de la vie de la comédienne légendaire : sa consécration, en 1896, et son amputation de la jambe, en 1915. A partir de ces deux événements, le film rayonne dans la vie, les amours et la folie douce de l’actrice.
My Sunshine nous permettra de découvrir un jeune cinéaste japonais, Hiroshi Okuyama qui marche dans les pas de son mentor, Hirokazu Kore-Eda en plaçant son récit à hauteur d’enfant.
Hiroshi Okuyama a eu les honneurs de la sélection Un Certain Regard à Cannes avec ce film, une œuvre personnelle nourrie de ses propres souvenirs, dont il signe aussi le scénario et le montage.
Durant une saison de sport dans une petite ville de l’île japonaise, riche en paysages enneigés qui convoquent des réflexions poétiques, ce drame tranquille au charme modeste et fragile émerveille par son ambiance envoûtante et sa nostalgie inhérente aux premières vibrations de l’enfance.
Et nous aurons le grand plaisir de retrouver Pedro Almodovar avec son film La chambre d’à côté, Lion d’Or à la Mostra de Venise. Pedro Almodovar retrouve Tilda Swinton pour un film entièrement en langue anglaise où la grande actrice britannique partage l’affiche avec Julianne Moore. Elles forment un magistral duo d’actrices et un parfait véhicule pour la science du dialogue et des situations chaotiques chères au réalisateur espagnol. Pedro Almodovar a toujours su mettre les femmes à l’honneur dans son cinéma et son dernier film ne déroge pas à la règle.
Avec ce film, Pedro Almodovar aborde avec énormément de justesse les enjeux d’une fin de vie digne et de la légalisation de l’euthanasie. À travers ces thématiques, le film raconte une belle histoire d’amitié entre deux femmes.
Une fois n’est pas coutume, Nous nous offrons une parenthèse enchantée avec une comédie musicale, Joli Joli de Diasthème avec une musique signée Alex Beaupain.
Joli Joli est un charmant voyage rétro, où l’on appréciera autant les 1ers rôles, en particulier Clara Luciani que les rôles secondaires, Laura Felpin, Vincent Dedienne, Victor Belmondo…
En ancrant leur récit à la fin des années 70, Diastème et son comparse Alex Beaupain – qui cumule les casquettes de co-scénariste, parolier, compositeur – confirment leur volonté de s’inspirer du passé pour remettre en contexte une réalité pas si lointaine, où les idées reçues allaient bon train quant aux rapports hommes/femmes et les préférences sexuelles de chacun et chacune. Au gré de romances contrariées, principale arche narrative du film, nos deux chefs d’orchestre suivent une partition synonyme de valse sentimentale, où la romance tournoie avec la jalousie pour mieux faire parler les cœurs et accentuer les rancœurs. La musique est omniprésente dans cet exercice de style qui, en plus de faire résonner l’esprit des seventies se veut une lettre d’amour au cinéma de cette décennie.
Nous allons débuter cette programmation de fin d’année avec un film dans lequel une jeune femme va déployer un immense courage pour affronter son harceleur.
L’affaire Nevenka d’Icíar Bollaín, film inspiré du drame vécu par l’Espagnole Nevenka Fernández, décrit une relation toxique, au vu et au su de tout le monde, à savoir le premier cas avéré et jugé de harcèlement dans le monde politique. La force de la réalisatrice est de décortiquer les rouages qui font que dénoncer un harcèlement est si difficile
Iciar Bollain montre une fois de plus son grand talent avec le « couple » formé par Miraia Oriol, fantastique, et Urko Olazabal, bluffant. Ce film est une nouvelle preuve de la nécessité d’un témoignage salvateur.
Dans un tout autre genre, nous avons mis au programma du CLAP Anora de Sean Baker, la Palme d’or hallucinée. Représentant sémillant du cinéma indépendant américain, Sean Baker, depuis Tangerine, s’intéresse aux classes populaires et aux travailleuses du sexe, traquant, dans des parcours chaotiques, l’énergie folle de protagonistes aussi fragiles que déterminés.
Sean Baker développe dans Anora une critique des règles d’Hollywood, le romantisme, l’amour qui fédère les classes et règle les problèmes, une sorte d’anti-Pretty Woman. Mais Sean Baker, c’est aussi une image de la classe éclatée, de la précarité. Il nous rappelle aussi ne pas trop nous bercer d’illusions, on s’aime à l’intérieur d’une classe sociale. Malgré cela, son film n’est pas une dissertation. Il conserve son versant politique structuré comme une comédie de divorce, de déliaison, à l’inverse du cinéma hollywoodien de mariage.
La force du film provient de ce qu’il évite tout moralisme ou position de surplomb dans le regard qu’il pose sur ses personnages. Au contraire, il part du cliché pour mieux en creuser la profondeur, révéler les êtres dans toute leur complexité.
Les deux films qui suivront s’attachent à des êtres d’une grande sensibilité déployant des trésors de courage et d’inventivité pour sauvegarder les relations humaines.
La vallée des fous de Xavier Beauvois. Le cinéma de Xavier Beauvois est parsemé de personnages pris dans un dilemme de vie qu’il soit moral ou existentiel, que ce soit avec Des hommes et des dieux en 2010 ou encore Albatros en 2020. Ses thématiques se fondent sur un décor souvent social et de fracture ou recomposition familiale, on pense aux Gardiennes en 2016. Et ce Jean-Paul pris à la gorge par ses soucis financiers et son alcoolisme ne déroge pas à la règle.
Interprété par un Jean-Paul Rouve qui donne tout, ce personnage de père plus que faillible mettant en place une idée saugrenue est avant tout touchant de réalisme, notamment en ce qui concerne l’addiction. On doit cette sensibilité à la caméra de Xavier Beauvois toujours à laisser son plan durer et utiliser judicieusement le silence comme un son de vérité entre ces personnages déchirés.
Crossing Istanbul de Levan Akin, deuxième long-métrage du réalisateur suédois aux origines géorgiennes, on se souvient du très beau Et puis nous danserons. Crossing Istanbul, nous offre une immersion surprenante dans le monde singulier de la communauté trans à Istanbul, vue du dehors avec cette prostitution généralisée et du dedans avec les déceptions amoureuses et le vécu émotionnel, en passant par les combats collectifs dans une société partagée entre tolérance, hypocrisie et condamnation. En prenant soin d’éviter les lieux communs et le pathos, en mêlant des trajectoires intimes à une histoire plus large. Une histoire de différences, de cultures, d’humanité.